Actualités commentées

2023

Faut-il associer le pembrolizumab à la chimiothérapie chez les patients de plus de 70 ans atteints d’un cancer bronchique ?

Pembrolizumab alone or with chemotherapy for 70+ year-old lung cancer patients: a retrospective study

Actualité commentée réalisée par Anne-Laure Couderc - Publiée le 19 septembre 2023

JOG 2023 ; 1 (4) : A4

Blasi M, Kuon J, Shah R, Bozorgmehr F, Eichhorn F, Liersch S, et al.

Pembrolizumab Alone or With Chemotherapy for 70+ Year-Old Lung Cancer Patients: A Retrospective Study. Clin Lung Cancer 2023 : S1525-7304.

AVIS D’EXPERT

Cette étude montre qu’utiliser du pembrolizumab associé à de la chimiothérapie n’améliore pas la survie chez les patients ≥ 70 ans atteints d’un CBNPC avancé et entraine plus de risque de toxicités, d’interruptions de traitement et d’hospitalisations (donc de ruptures de parcours de soins). Ces résultats semblent aller dans le même sens que la méta-analyse de la FDA (Food and Drug Administration) présentée à l’ASCO en 2022 comprenant 12 études cliniques avec 3 189 patients atteints de CBNPC PDL1 ≥ 50 % traités par chimiothérapie + immunothérapie versus immunothérapie seule (38 % de patients âgés de 65-74 ans et 11 % ≥ 75 ans) ; pas d’amélioration du devenir dans le sous-groupe des patients ≥75 ans quand traités par immunothérapie associée à la chimiothérapie versus immunothérapie seule2.

De plus, les patients âgés traités par pembrolizumab et chimiothérapie ont une tolérance (toxicités, interruptions de traitements et hospitalisations) moins bonne que les patients sous pembrolizumab seul, ce qui pose un réel problème dans cette population âgée où la qualité de vie est essentielle. Cette étude est tout de même à prendre « avec des pincettes » car bien qu’elle ait inclus des patients âgés « de la vraie vie » (12 % des patients ont ECOG PS ≥ 2 et 58 % un Charlson ≥ 2), son caractère rétrospectif et monocentrique est à souligner. Enfin, le taux de patients présentant un taux de PDL1 ≥ 50 % était de 100 % sous pembrolizumab seul mais seulement 13 % sous association pembrolizumab et chimiothérapie dans cette étude. Un travail multicentrique et randomisé serait intéressant dans cette population âgée atteinte de CBNPC avancé afin de connaître réellement la tolérance et l’efficacité de l’immunothérapie seule versus l’association de l’immunothérapie et de la chimiothérapie. L’utilisation de données « gériatriques » serait essentielle à la manière de l’étude de Gomes et al. ayant inclus 140 patients (dont 70 patients ≥ 70 ans) atteints de CBNPC ou mélanome traités en première ligne par immunothérapie avec les données de l’Évaluation Gériatrique Standardisée (EGS) pour le groupe des 70 ans et plus : le score de fragilité et de pre-screening G8 était associé au risque de réhospitalisation (p = 0,031) et de mortalité (p = 0,01)3.

L’évaluation gériatrique standardisée préopératoire prédictive du risque postopératoire chez les patients âgés atteints d’un cancer de l’œsophage

Preoperative Comprehensive Geriatric Assessment Predicts Post Operative Risk in Older Patients with Esophageal Cancer

Actualité commentée réalisée par Madeleine Lefèvre et Thomas Aparicio - Publiée le 08 juin 2023

JOG 2023 ; 1 (3) : A3

Yamashita K, Yamasaki M, Makino T, Tanaka K, Saito T, Yamamoto K, et al.

Ann Surg Oncol 2023 ; 30 : 901-9.

AVIS D’EXPERT

L’âge chronologique n’est pas suffisant pour évaluer l’état général d’un patient âgé atteint de cancer, et ainsi appréhender les risques de complications d’un traitement oncologique par chirurgie. Le cancer de l’œsophage est une pathologie du sujet âgé. La médiane d’âge de l’étude de Yamashita et al. est de 78 ans. Le traitement de référence par œsophagectomie fait partie des chirurgies gastro-intestinales les plus invasives1. Cette étude confirme l’importance d’une EGS pour prédire et prévenir les risques de complications et de décès pour les patients dits « fragiles », en perte d’autonomie. Elle confirme également le lien entre MMSE anormal et le risque de confusion post-opératoire, déjà démontré en 2016 par l’étude de Yamamoto et al.2 Il n’y a pas à ce jour de test de dépistage universel permettant d’identifier de manière adéquate la fragilité chez les patients âgés à risque3. Cependant, plusieurs études se sont intéressées à la notion de « fragilité ». Depuis 2012, l’Institut National du Cancer (INCA) recommande de faire un G84, qualifiant les patients de « fragiles » (G8 ≤ 14) devant être adressés chez le gériatre pour une EGS. Les critères de Fried permettent également de classer la population âgée en « robustes », « pré-fragiles » et « fragiles »5. L’étude de Yamashita reprend ces notions sans être comparables cependant à ces scores préalables. Le surgical risk calculator6 prévoit le risque de complications opératoires selon les comorbidités, et l’étude de Laurent et al.7 montre l’impact des comorbidités sur les complications et la survie. Dans l’étude de Yamashita et al., les comorbidités ne sont pas analysées. Dans l’étude PANESAGE (résultats en cours de publication), la lenteur de marche est la variable gériatrique associée à l’adaptation thérapeutique chez les patients de plus de 75 ans atteints de cancer œsogastriques ou pancréato-biliaires8. Le score GRADE de l’équipe du Pr Pamoukjdian9 démontre l’impact de la vitesse de marche et de la perte de poids dans la tolérance d’une chirurgie digestive chez les sujets âgés. Dans l’étude de Yamashita, l’impact des capacités motrices ne sont pas analysées et très peu de données cliniques nutritionnelles (en dehors de la capacité à s’alimenter dans l’indice de vitalité) sont analysées. Ainsi, autonomie et altération cognitive semblent impacter les complications et la survie dans la chirurgie du cancer de l’œsophage, mais d’autres fragilités de l’évaluation gériatrique (comorbidités, motricité et nutrition) doivent être recueillies pour prédire les risques.

Impact de l’évaluation et de la prise en charge gériatrique sur la qualité de vie, les réhospitalisations, les toxicités et la survie des patients âgés atteints de cancer : l’étude 5C randomisée

Impact of Geriatric Assessment and Management on Quality of Life, Unplanned Hospitalizations, Toxicity, and Survival for Older Adults With Cancer: The Randomized 5C Trial

Actualité commentée réalisée par Anne-Laure Couderc - Publiée le 19 avril 2023

JOG 2023 ; 1 (2) : A2

Puts M, Alqurini N, Strohschein F, Koneru R, Szumacher E, Mariano C, et al.

J Clin Oncol 2023 ; 41 : 847-58.

AVIS D’EXPERT

Cette étude est la première étude à s’intéresser à la qualité de vie en objectif principal et l’impact des interventions gériatriques sur ce domaine chez les patients âgés traités pour un cancer par un traitement systémique. Les résultats sont négatifs mais il est actuellement très méritant d’arriver à publier ce type de résultats. Le design de l’étude est très bien pensé ; ainsi il est fort probable que plusieurs facteurs ont entraîné l’absence de significativité de tous les objectifs (principal et secondaires) et notamment les toxicités sévères qui sont diminuées dans les autres études randomisées dans les bras avec interventions gériatriques1-3. Tout d’abord, la mesure de la QDV a été réalisée avec le QLQC30 et n’a pas utilisé l’ELD14 qui est spécifique pour les sujets âgés. De plus, la période de l’étude (2018-2020) a connu la pandémie COVID-19 et les derniers patients inclus ont eu un suivi téléphonique ; et donc l’EPG et la mesure de la QDV ont probablement été différentes par rapport aux patients suivis en présentiel. Le taux de mortalité a d’ailleurs probablement été impacté également par l’épidémie COVID-19. Le choix d’inclure des patients avec tout type de traitement systémique est aussi probablement en cause car la QDV (mais aussi les interventions gériatriques) est influencée par le type de traitement. Enfin, comme l’expliquent les auteurs, il n’y a pas eu de score de repérage de la fragilité avant l’évaluation et la prise en charge gériatrique, entraînant un mauvais repérage des patients fragiles qui auraient nécessité plus spécifiquement une prise en charge de leurs comorbidités et/ou de leurs fragilités. Ainsi, une nouvelle étude randomisée sur le même modèle méthodologique serait intéressante en ajoutant ELD14 à la mesure de la QDV, en incluant des patients âgés traités par la même catégorie de traitement (chimiothérapie ou immunothérapie ou thérapie ciblée), si possible le même type de cancer, avec un outil de screening de la fragilité comme le G8 et par la suite un suivi gériatrique en présentiel.

Efficacité et sécurité des CAR-T ciblant BCMA chez des patients âgés suivis pour un myélome multiple

Safety and Efficacy of BCMA-Targeted CAR-T Therapy in Geriatric Patients with Multiple Myeloma

Actualité commentée réalisée par Capucine Baldini - Publiée le 07 février 2023

JOG 2023 ; 1 (1) : A1

Reyes KR, Huang CY, Lo M, Arora S, Chung A, Wong SW, et al

Blood 2022 ; 140 : 5105-7.

AVIS D’EXPERT

Le myélome multiple est une maladie du sujet âgé. L’âge médian au diagnostic est de 70 ans chez l’homme et de 74 ans chez la femme. Cette étude rétrospective permet de générer les 1ères données dans une population de patients âgés traités par une thérapie innovante. L’efficacité apparait superposable aux données de la littérature et notamment à une méta-analyse publiée en 20201 avec un taux de réponse de 80,5 %, une médiane de SSP de 12,2 mois. Le profil de toxicité est également similaire aux données publiées avec 80 % d’orage cytokinique tous grades confondus et 10,5 % de neurotoxicité1. Les grades d’orage cytokinique, de toxicité neurologique ou d’infections dans les 100 jours ne sont pas détaillés. Ces effets secondaires sont à risque de décompensation de comorbidités et de perte d’autonomie dans la population de patients âgés. Aucune analyse ou description plus fine des patients de plus de 70 ans n’est rapportée (fragilités, comorbidités, co-médications). Compte tenu du manufacturing des CAR-T, il est probable que la population ici rapportée soit particulièrement sélectionnée avec un taux de screen failure qui n’est pas spécifié. L’option aux CAR-T pour ces patients pourrait être les CD3 T cell engager ciblant BCMA avec des taux de réponse, de survie sans progression et d’effets secondaires similaires avec un risque d’infection possiblement plus faible2.

Attention : Ceci est un contenu scientifique indépendant dont l’objectif est de fournir des informations sur l’état actuel de la recherche en matière de prise en charge thérapeutique ; ainsi, les données présentées, bien que référencées d’après des publications référencées et/ou communications/posters de congrès, sont susceptibles de ne pas être validées par les autorités françaises et ne doivent donc pas être mises en pratique. Le contenu a été réalisé sous la seule responsabilité du coordinateur, des auteurs et du directeur de la publication qui sont garants de l’objectivité de cette publication.